Et alors, perdre. Et être libre, être putain de libre.
Je sais, je n'écris plus et je m'en veux. Mais qu'ais-je encore à faire partager ? Si ce n'est une solitude qui dort mais qui reste toujours assez présente. Et la solitude ne se partage pas, oh, mais tu ne le sais que trop bien. Je n'ai déjà plus rien à dire, tout a déjà été dit n'est-ce pas ? Toutes ces plaintes se répètant comme ces jours clonés. Et tout se fait toujours plus pesant. Je passe ma vie à me dire que je fatigue, et je pense toujours que rien ne pourrait être pire. Mais, le fond n'existe pas. Tu pourras toujours creuser et creuser. L. m'a dit que c'était comme lorsque l'on regarde vers l'océan. En haut, tu vois quelque chose de beau, quelque chose qui donne envie, certains croient même que le paradis s'y trouve : le ciel, le bonheur, évidemment. Et puis en dessous, il y a quelque chose de sombre, dangereux, profond et inquiétant : l'océan. Et tu auras beau toucher le sable du bout des doigts, déjà tu serais fort, mais il y aura toujours des tonnes de couches de sable sous encore d'autres couches de sable. Alors on a de la marge avant d'atteindre le centre de la Terre. On en vient donc à la conclusion que soit, le fond n'existe pas, soit, il existe mais il est inatteignable. Finalement ça revient au même, hein.
C'est dur de se dire que tout est dit depuis des années, c'est frustrant ce manque de créativité. Beaucoup ont déjà dû écrire sur la monotonité de nos vies de merde, sur les choses qui arrivent et puis sur les choses qui n'arrivent pas. Les choses qu'on attend à en devenir dingue. L'espoir nous rendra fous, ou alors, encore plus qu'on ne l'est déjà aujourd'hui. Je ne sais pas pourquoi j'écris. Je me sens larguée dans cette vie comme quelqu'un que l'on balance par dessus bord, j'étais si bien quand je n'existais pas. Et je n'ai rien demandé.
Je hais les gens qui m'entourent et je leur mens chaque jour en souriant lorsqu'ils me racontent leurs vies de cons, et je m'indigne parfois de leur bêtise à leur plus grande surprise. Je reste moi, j'espère. Ou j'essaie de me ressembler. Je me pose des questions, est-ce qu'ils m'aiment réellement, croient-ils m'aimer, ou mentent-ils ? Parfois, ils semblent sincères, alors je me dis que je ne suis qu'une sale ingrate. Et dès lors que l'on a des doutes, c'est fini, on replonge dans les tunnels infinis qui se trouvent dans nos crânes.
Je prends des médicaments pour dormir. Je ne les prends pas toujours, j'oublie ou alors, je ne veux pas dormir. Parfois aussi, il m'est plus dur de faire mes devoirs en dormant à moitier. Ce médecin me rend vraiment folle, il arrive à expliquer comment je fonctionne et pourquoi, et alors, je m'enfonce dans mes faiblesses que je me suis tant appliquée à fuir. Et puis je me retrouve face à ce miroir intimidant, les yeux plongés dans les miens. Et alors je cours, le plus loin possible en espérant pouvoir sortir de cette carapace. Mais je n'y parviens pas. Je n'y parviendrais jamais, oh, mais tout le monde le savait déjà. Et alors pourquoi ne m'a-t-on jamais rien dit ?
P. est étrange.